Après avoir testé pour vous la super Formation en Zythologie au Lycée de Wagnonville, il fallait absolument que j’y retourne pour apprendre les détails du processus de brassage de notre boisson favorite. C’est parti pour une semaine intense de retour sur les bancs de l’école !
Sur une semaine de 40h, le Lycée BioTech de Wagnonville vous propose d’apprendre à faire de la bière de manière professionnelle via cette formation courte. De tous âges et de tous profils, les 8 apprenants de la session de formation brassicole de février 2024 sont venus avec des objectifs bien différents :
- se reconvertir et ouvrir une micro-brasserie
- ajouter une partie brasserie à un restaurant en vue d’en faire un brewpub
- ajouter un module sur la bière à une formation d’œnologie à Bordeaux
- améliorer leurs compétences en brassage amateur
- ou tout simplement en savoir (beaucoup) plus sur le processus de fabrication de la bière
Jour 1 : Théorie sur les matières premières de la bière et le brassage
Avant d’attaquer une longue journée de théorie, Norman Degardin le formateur nous propose d’abord une visite de la micro-brasserie et de la micro-malterie du lycée. L’occasion de voir en taille réelle les équipements nécessaires à la production de malt d’orge et de bière au format pro.
Les matières premières de la bière
Le cours théorique commence par un rappel de la réglementation française sur la bière. Les ingrédients autorisés sont l’eau, le malt, les houblons, la levure, mais aussi le sucre alimentaire, les herbes aromatiques et les épices naturelles.
D’autres composants sont autorisés (sulfites, acide ascorbique, clarifiants, gomme arabique…). Ils sont souvent employés par les grandes brasseries industrielles, mais heureusement bannis par les brasseries artisanales. On se concentre alors sur les 4 ingrédients de base :
L’eau
La bière est composée de 90 à 95% d’eau. C’est donc un ingrédient essentiel qu’il faudra surveiller tout au long du processus pour obtenir une bière de qualité. Le pH et la dureté de l’eau sont les 2 indicateurs principaux pour l’eau utilisée durant le brassage. Les ions contenus dans l’eau ont aussi un impact sur la qualité du produit final.
L’eau intervient à plusieurs étapes du brassage : à l’empâtage, au rinçage des drêches, au nettoyage des levures, lors d’une dilution de la bière. Et à chaque étape, on peut avoir besoin d’une eau traitée différemment.
Le malt d’orge
Le malt est l’élément qui apparaît le plus complexe quand on parle des ingrédients de la bière (bon, vous verrez que les levures, c’est pas mal non plus !). En tout cas, c’est l’ingrédient qui demande le plus de travail préalable pour pouvoir s’en servir pour brasser.
D’abord, l’orge doit d’abord être maltée pour être utilisable durant le brassage. Le malt d’orge, c’est de l’orge qu’on a fait germer pour pouvoir en utiliser les enzymes. Elles transformeront l’amidon des grains en sucres fermentescibles. Le malt est ensuite touraillé (séché), la germination est stoppée et le germe est enlevé mécaniquement.
Le houblon
Le houblon est utilisé dans la bière à la fois en tant qu’agent amérisant pour certaines variétés riches en acides alpha, et aromatique pour d’autres variétés riches en acides bêta. Il permet aussi une meilleure conservation de la bière et a un pouvoir bactériostatique.
Seuls les pieds femelles donneront des cônes de houblon, et il est préférable qu’ils ne soient pas fécondés. On cultive cette plante grimpante sur des fils verticaux. La plante peut atteindre entre 5 et 7 mètres de haut et pousser de 15cm par jour. On apprend que lorsque la liane atteint le sommet du fil sur laquelle elle s’enroule (idéalement le 21 juin), le point de basculement déclenche le début de la floraison. La récolte est brève et s’étale de fin août à début septembre.
La levure
Les fameuses levures saccharomyces cerevisiae ! Ce sont elles qui vont consommer les sucres du moût et produire de l’alcool et du CO2. Avant la fermentation, en leur donnant de l’oxygène, elles se multiplient. Chaque levure a sa signature, de par les esters qu’elle va produire.
Il existe d’autres types de levures qui peuvent être utilisées lors de la fermentation, comme les brettanomyces bruxellensis, utilisées dans les bières belges acides de style Lambic ou Gueuze. Ou encore la variante diastaticus de la cerevisiae, utile pour les bières de style Saison, très sèches.
Le processus de brassage
Maintenant qu’on connaît tous les ingrédients nécessaires, passons au brassage ! Il existe 2 grands types de brassage : par infusion montante (par paliers) ou par infusion descendante. C’est ce dernier qui est utilisé dans la brasserie du Lycée Biotech de Douai.
Concassage
Le concassage du malt consiste à broyer les grains de malt d’orge de manière à écraser leur enveloppe sans l’enlever. Cette étape permettra aux enzymes d’accéder facilement à l’amidon lors de leur hydratation dans l’étape suivante…
Empâtage
L’empâtage est l’étape où on mélange de l’eau chaude avec le malt concassé. Le mélange obtenu est appelé la maische (ou maîche). C’est ici que les paliers de température vont être importants, car les différentes enzymes contenues dans le malt (alpha et bêta-amylases) n’agissent pas à la même température.
Filtration
A la fin de l’empâtage, on obtient le moût, un jus sucré, et en dessous, un gâteau de drêches. On effectue alors une recirculation du moût filtré à travers les drêches, puis un rinçage pour extraire le plus de sucres fermentescibles possibles.
La notion de degré Plato (°P) est abordée. Cette unité permet de mesurer le taux de sucres résiduels dans la bière. Elle permet par exemple de prévoir s’il faut ajouter du sucre dans le moût pour atteindre le taux d’alcool souhaité après fermentation.
Ébullition
Cette étape permet plusieurs choses : assainir et clarifier le moût, dénaturer les enzymes du malt pour en stopper l’action, pouvoir réaliser le houblonnage (généralement en début d’ébullition pour les houblons amérisants, puis à la fin pour les houblons aromatiques).
Refroidissement et entonnement
Après cette étape d’ébullition d’un peu plus d’1h à 100°C, on va refroidir brutalement le moût jusqu’à 20°C en le faisant passer par un échangeur à plaques. On entonne ensuite le liquide dans le fermenteur, on oxygène le moût et on ensemence avec les levures pour démarrer la fermentation.
Garde
La garde est le fait de conserver la bière à une température proche de zéro pendant au moins 3 semaines. Ceci permet à la bière de s’affiner et d’enlever les faux-goûts typiques d’une bière trop jeune par exemple (goût de cidre, pomme verte).
Bonus du jour : première dégustation
La journée se termine par une petite dégustation de L’Amusée, la bière de style « Triple belge » brassée par le lycée.
L’occasion de débriefer un peu de cette grosse journée de théorie avec Norman, qui reviendra mercredi pour nous guider sur la pratique. Mais avant ça, on s’attend à une 2° journée de théorie bien chargée 😀
Jour 2 : Théorie sur les opérations de la brasserie, réglementation, taxes…
Comme prévu, une seconde grosse journée de théorie, avec beaucoup d’aspects parfois laissés de côté à tort par les brasseries artisanales. C’est Hervé Chené qui prend le relais pour être notre formateur une grosse partie de la journée.
La filtration
On aborde ici la filtration de la bière après fermentation. Certaines brasseries veulent éliminer ce qu’on appelle le « trouble au froid » : la bière est trouble à froid, et plus limpide à température ambiante. Différentes techniques de filtration, avec ou sans adjuvants, sont expliquées en détails.
La carbonatation
Ici, c’est plutôt la carbonatation par apport de CO2 qui est expliquée. La notion d’équilibre entre le CO2 dissous et le CO2 dans l’air (en ciel de cuve ou en col de bouteille) est primordiale.
Le conditionnement
On se concentre ici sur le soutirage, que ce soit en bouteilles ou en fûts inox ou plastique (Dolium et KeyKeg). Encore une fois, le CO2 joue un rôle très important lors du conditionnement sur une brasserie fonctionnant en isobarométrique de bout en bout.
La réglementation & les taxes
Petit doublon dans le cours, on revoit ici plus en détails la réglementation française et européenne concernant la bière, ses dénominations, son étiquetage, etc. Les taxes, notamment les droits d’accises, sont détaillées selon la taille de la brasserie et le degré d’alcool.
Le nettoyage et la désinfection
Le nettoyage et la désinfection du matériel sont essentiels pour toute brasserie qui veut sortir de bons produits. On passe en revue ici les types de souillures que l’on peut rencontrer dans une brasserie, et les méthodes pour nettoyer et désinfecter les surfaces.
L’analyse sensorielle
L’évaluation sensorielle de la bière est importante à la fin du processus de fabrication de la bière. Il faut s’assurer que le produit fini est conforme à ce que l’on veut proposer au consommateur. On voit ici en quoi consistent les panels de testeurs, et différents types de tests.
Bonus du jour : atelier zythologie
On termine tranquillement la journée avec Agathe Leroy, zythologue, venue nous proposer un petit atelier de biérologie en 6 étapes. Et donc 6 dégustations (dont 2 de bières du Douaisis) :
- Craig Allan – Agent Modérateur (Bière sans alcool)
- Dunham – Färsk (Farmhouse IPA)
- In Taberna – Something Wild (Gruit noir de forêt)
- La Fabriq’ – La Stout (Stout)
- Daddy Brew – Dechirax (DDH Pale Ale)
- Stift Engelszell – Gregorius (Trappiste Quadruple)
Un vrai teaser à la formation en zythologie au lycée de Wagnonville qu’elle anime 2 fois par an !
Jour 3 : Pratique en micro-brasserie
Le grand jour est arrivé, on va mettre les mains dans le cambouis, sous la supervision de Norman. Un premier brassin de 600L de Triple est à produire aujourd’hui, et on remet ça le lendemain pour remplir le fermenteur de 1200L.
Concassage
En arrivant, le concassage a été préparé la veille. On constate que le malt a été broyé trop finement, donc on se met à concasser 8 sacs de 25kg de malt Pilsen et 1 sac de malt Munich light.
La technique d’ouverture des sacs, c’est déjà tout un art ! Et en plus, ça peut vous servir pour ouvrir proprement vos sacs de charbon de bois pour vos futurs barbecues !
Empâtage
On commence l’empâtage après le remplissage de la cuve avec de l’eau à 78°C, car on va effectuer un brassage par infusion descendante. On ajoute les sacs de malt concassé, et on se rend compte qu’il en manque un 😀
Toutes les 10 minutes, on brasse en remuant la maische, tout en évitant les pales du piocheur (mélangeur) en rotation. Les contrôles de température sont satisfaisants, le contrôle de pH a nécessité une légère correction. On effectue une recirculation du moût en fin de brassage pour récupérer le maximum de sucres. En parallèle, on désinfecte la cuve d’ébullition à l’acide peracétique et on la rince afin de pouvoir y accueillir le moût.
Puis vient la longue étape de filtration et de transfert de la cuve d’empâtage / filtration vers la cuve d’ébullition, puis le rinçage des drêches. Pendant qu’un collègue gère le débit du transfert, ça nous laisse le temps de tester quelques bières 😀
Préparation du fermenteur et de la suite
Le fermenteur qui va accueillir notre future bière est déjà nettoyé, mais il nécessite une désinfection à l’acide peracétique durant 30min, puis un rinçage. On prépare en parallèle le mélange d’épices et de houblons pour la phase suivante.
Ébullition
Après transfert du moût, la cuve d’ébullition est portée à 103°C. En début d’ébullition, on ajoute le houblon amérisant.
Après une première prise de densité à 20°C, nous sommes alors à 15.9 degrés Plato. On vise 18°P pour obtenir une bière à 8% d’alcool, mais on va gagner un peu en densité à l’ébullition, puis corriger en ajoutant du sucre.
En fin d’ébullition, on ajoute les houblons aromatiques et les épices, puis on effectue un « whirlpool » (tourbillon) pour regrouper les protéines qui sont apparues lors de l’ébullition et les houblons au centre de la cuve.
Dédrêchage
Une fois la cuve d’empâtage complètement transférée, il nous reste à sortir environ 400kg de drêches, puis rincer et nettoyer complètement la cuve et le fond filtrant (sans y laisser une main… ceux qui étaient là savent pourquoi !).
Entonnement & ensemencement
On envoie le moût oxygéné de la cuve d’ébullition vers le fermenteur de 12hL qui va nous servir à stocker nos 2 brassins. On ajoute les levures quand le liquide arrive avant le niveau de la porte du fermenteur et on referme. La température est régulée à 20°C pour que les levures se multiplient durant la nuit, grâce à l’oxygène contenu dans le moût.
Derniers nettoyages
On nettoie les derniers éléments utilisés, c’est-à-dire la cuve d’ébullition, le filtre à houblons et la tuyauterie pour être prêts à brasser le lendemain matin. On en profite également pour nettoyer la plateforme et le sol de la brasserie. Pour gagner du temps le lendemain, on concasse le malt à l’avance, et on amène les sacs sur la plateforme.
Jour 4 : Deuxième brassin
Même processus que la veille, mais avec moins de retard car tout est déjà prêt. On est déjà un peu plus à l’aise avec l’ensemble du processus, mais pas encore tout à fait confiants avec les vannes à ouvrir ou fermer 😀
Preuve qu’on a gagné du temps aujourd’hui : l’entonnement du 2° brassin est terminé vers 15h30. On peut alors faire un gros coup de propre dans la brasserie avant d’enlever nos blouses… ou presque ! Car il y a toujours de quoi faire dans une brasserie.
Dégazage d’un fermenteur
Parmi les nouveautés vues aujourd’hui, on assiste au nettoyage et au dégazage d’un fermenteur vide (enfin, rempli de CO2 plutôt, car ce sont des fermenteurs isobarométriques, sous pression). Norman nous met en garde sur les dangers mortels d’un air chargé en CO2. Il faut donc quitter la salle une dizaine de minutes pendant l’opération pour éviter tout accident.
Embouteillage et mise en cartons
En fin de journée, le contenu du fermenteur contenant L’Amusée (la Triple Belge du Lycée) doit être conditionné en bouteilles. On regarde d’abord le fonctionnement de la ligne d’embouteillage isobarométrique.
On donne un coup de main à David Lutun et à son stagiaire en mettant en place les bouteilles vides en début de ligne, et en mettant les bouteilles remplies sous cartons en fin de ligne. 2 palettes de bouteilles plus tard, on s’accorde une petite dégustation, notamment d’Autobrasseur (la « bière bouleuse », comme disent les anciens).
Bonus du jour : Le Baragouin
Après cette dernière journée de pratique, il nous fallait un peu plus que de l’Autobrasseur 😉 Je retrouve donc quelques uns de mes collègues au Baragouin à Douai pour quelques galopins fort colorés.
Coup de cœur de la soirée : la Hop Shot du Singe Savant, une très bonne West Coast IPA ! On remercie Agathe & Charles pour la réduction de -10% sur les consos pour toute personne qui est en cours de formation brassicole à Wagnonville, un vrai bon plan !
Jour 5 : Visite d’une micro-brasserie
La formation est conclue par une matinée de visite d’une brasserie artisanale de la région. Cette fois, c’est la Brasserie Traditionnelle de l’Avesnois (BTA) qui a été choisie. A 9h, direction Le Quesnoy pour découvrir cette brasserie.
La particularité de cette brasserie est qu’elle est en lien direct avec la distillerie CQFD, installée dans le même bâtiment. On découvre le matériel utilisé par Pierre Pronnier le brasseur, la partie distillerie gérée par Nicolas Dubois, et la taproom avec une dégustation de très bonnes bières et spiritueux ! Cette visite inédite fera évidemment l’objet d’un article complet juste après celui-ci 😉
Bilan de cette formation brassicole courte
On s’y attendait un peu, ça s’est confirmé : ces 5 jours ont été bien courts pour intégrer autant d’informations, mais c’est le jeu, on va digérer tout ça et on va avoir envie de brasser, quel que soit le volume !
La formation était selon moi plutôt destinée à un public de brasseurs amateurs qui veulent aller plus loin et se professionnaliser. Mais comme on dit : « Qui peut le plus, peut le moins », donc tout le monde repart ravi de ses nouvelles connaissances, le tout dans une très bonne ambiance.
On a aussi la satisfaction d’avoir brassé ensemble 1200L de bière (même si sans Norman, on n’aurait pas sorti grand chose des cuves).
Alors évidemment, un grand merci à Norman qui nous a suivi durant cette semaine et qui a répondu à toutes nos questions. Merci aussi à Agathe et à Hervé qui ont assuré le 2° jour de cette formation. On remercie également Maître Lutun pour sa bonne humeur communicative et ses anecdotes toujours croustillantes !
J’en profite pour saluer mes 7 collègues de formation : Aurore, Catherine, Corentin, Antoine, David, Romain et Grégory. Une semaine, c’est court pour faire connaissance mais on se recroisera sûrement autour d’une bière !
Comment s’inscrire ?
Si vous souhaitez vous aussi suivre cette formation d’initiation à la micro-brasserie, elle est toujours finançable à 100% par le CPF. Vous trouverez tous les liens utiles ci-dessous.
2 autres formations liées au brassage sont également proposées :
- « Formation Titre Brasseur » (113h sur 3 semaines + 140h en stage)
- « Élaboration d’une recette de bière » (16h sur 2 jours)
Lycée BioTech de Douai-Wagnonville
458 Rue de la Motte Julien, 59500 DOUAI
Site du lycée BioTech :
https://wagnonville.fr/lycee-bio-tech-douai/
Lien vers les formations courtes :
https://wagnonville.fr/voies-de-formation/formations-courtes/
(Choisir « Initiation à la microbrasserie »)